Bachir Shihab 1 Reign
L’extinction
de la dynastie Maanide en la personne de l’émir
Ahmad, en 1967, fournit à la sublime porte l’occasion de reprendre ses menées
au Liban. Dès que la nouvelle du décès fut connue, le préposé ottoman pour la
région de Deir al-Kamar accourut mettre les scellés
sur les coffres du prince défunt, en attendant l’arrivée d’une commission
présidée par le cadi de Saida pour dresser un inventaire des biens. A la
satisfaction des agents du Sultan et sans doute à leur instigation la Yamaniyya releva la tête.
Figure 1: Bachir Bashir Shihab Chehab Dynasty Family
Figure 2: Bashir Bachir Chehab Shihab
Figure 3: Bachir Bashir Shihab Chehab
Le
congrès de Sumkaniyyeh. L’avènement des Chehab (1697)
La kaysiyya réagit en demandant l’autorisation, étayée de la
promesse de payer régulièrement et intégralement le tribut, de tenir une
assemble a Sumkaniyyeh, non loin de Deir al-Kamar, afin de délibérer sur les affaires du pays et de
régler en premier lieu la succession au trône princier vacant.
C’était
la manifestation tacite du sentiment que ce trône était la chose du peuple, que
celui-ci était conscient de ses droits et qu’il entendait bien les exercer,
tout en reconnaissant la suzeraineté de la Sublime Porte. De telles
manifestations, nous les rencontrons fréquemment dans la période Ottomane.
Ainsi en fut-il, par exemple, en 1516 et en 1613.
L’assemblée
se trouvait en présence de deux candidats de ka famille des Chehab :
Haydar, de la branche de Hasbaya,
et Bachir, de la branche de Rachaya, respectivement
petit-fils et neveu d’Ahmad Maan. Les Chehab
appartenaient à une tribu arabe dont l’origine remonte à la prestigieuse tribu
de Koreich. Etablis, au début de la conquête arabe,
dans le Hauran autour de Shahba (d’où dériverait leur
appellation), ils ont été acheminés vers le Wadi al-Taym, aux pieds de l’Hermon, dans le sud-est du Liban à
l’époque des croisés.
Depuis,
ils se sont unis aux Maan par les liens du sang et sont restés leurs fidèles
alliés. De religion musulmane sunnite, ils ont vécu dans l’intimité des druzes
et partageaient leurs usages et leurs traditions.
Le
choix des notables libanais se porta sur Bachir, alors dans la force de l’âge
(40 ans) et ayant fait ses preuves. Haydar, âgé seulement de douze ans fut
écarté, ce moment critique ne tolérant pas le flottement inhérent à une
régence.
La
cour l’Istanbul, n’ayant pas réussi à imposer un Yamanite,
préférait avoir affaire à un Kaysiste mineur ;
elle prit fait et cause pour Haydar sous prétexte de légitimité. Du coup, elle
consacrait la coutume libanaise en matière de succession au trône princier et
reconnaissait l’autonomie de l’Imara que,
jusqu’alors, elle affectait d’ignorer de jure et, pour affirmer la plénitude de
ses droits sans restriction ni réserve d’aucune sorte, elle faisait paraitre,
de temps à autre, comme nous l’avons déjà relevé, un firman reconduisant
soi-disant l’émir en place dans son « mandat ».
Devinant
les intentions du gouvernement du sultan, les Libanais se cramponnèrent à leur
décision. Ils avaient pour eux l’absence d’un statut écrit rigide imposant la
succession au trône en ligne direct, des coutumes tribales établies en ce sens
dans la région et une conjoncture internationale favorable. L’Empire Ottoman,
en effet, soutenait péniblement une guerre contre ses deux grands
voisins : la Russie, encore jeune mais en plein essor, et l’Autriche. Des
défaites retentissantes étaient venues annoncer au monde la décadence des
osmanlis, notamment à Mohacs (1667) et a Salankamen (1691). L’année même 1697 devait voir la déroute
de l’une de leurs armées devant la poussée victorieuse du Prince Eugene de
Savoie : c’était le « coup de foudre de Zenta », qui imposerait
le traité de Karlowitz (1699) par lequel Istanbul devrait, pour la première
fois, lâcher des morceaux de territoire. Pour parer au danger européen, le
sultan n’avait cessé de transférer ses janissaires d’Asie en Europe. Moins que
jamais il pouvait se permettre de distraire une partie de ses forces pour les
engager dans une grande lutte au Liban, ou déjà l’agitation chiite leur donnait
un fil a retordes. La conjoncture n’était pas à la déstabilisation du Liban. Il
pouvait par ailleurs avoir avantage à l’accession des Chehab
dont les rivalités intestines venaient de poindre, préparant, pour le futur, un
terrain propice aux intrigues éventuelles.
Les
Libanais, de leur côté, préféraient éviter les aléas d’un conflit armé. Aussi,
après avoir écarté, sur le refus de Bachir, la solution d’une régence qui lui
aurait été confiée jusqu’à la majorité de Haydar, solution préconisée,
semble-t-il par l’émir Hussein Maan. Seul survivant des enfants de Fakhreddine 2 et devenu haut dignitaire à la cour ottomane,
l’assemblée des notables accepta-t-elle le compromis suivant : Bachir sera
prince (émir) à part entière jusqu’à la majorité de Haydar ; alors il se
retirait et Haydar accèderait au trône. L’alerte avait été chaude mais
finalement bénéfique. Le statut du Liban sortait raffermi de la crise, son
identité spécifique officiellement, quoique implicitement seulement, reconnue.
Bachir
1 (بشير
الاول)
[1697-1705) Son of Husayn Shihab (حسين
شهاب) of
Rashaya and Sehr El Nada (سحر الندى), a daughter of Ahmad Maan (أحمد
معن). Acted as regent for Emir Haydar
(حيدر). He had two daughters. His family was christened by Nassif El Khazen (ناصيف
الخازن).
When Emir Ahmad Maan died without a male heir in 1697, the sheikhs of the Qaysi Druze faction of Mount Lebanon, including the Jumblatt clan, convened in Simaqaniyyah
(سمقانية)
and decided that Bashir Shihab I should succeed Ahmad
as Emir of Mountain Lebanon. Bashir was related to the Maans
through his mother who was the sister of Ahmad Maan
and the wife of Bashir's father, Husayn Shihab.
Due to the influence of Husayn Maan, the youngest of Fakhr ad-Din's sons, who was a high-ranking official in the
Ottoman imperial government, the Ottoman authorities declined to confirm
Bashir's authority over the tax farms of Mount Lebanon; Husayn
Maan forsake his hereditary claim to the Maan emirate in favor of his career as the Ottoman
ambassador to India. Instead, the Ottoman authorities appointed Husayn Maan's choice, Haydar (حيدر)
Shihab, the son of Musa (موسى) Shihab and Sehr El Nada Maan.
Haydar's
appointment was confirmed by the governor of Sidon, and agreed upon by the
Druze sheikhs, but because Haydar was still a minor, Bashir was kept on in the
capacity of regent emir.
The transfer of the Maan emirate to the Shihab clan made the family's chief the
holder of a large tax farm that included the Chouf, Gharb, Matn and Keserwan areas of
Mount Lebanon. However, the tax farm was not officially owned by the Shihab
emir and was subject to annual renewal by the Ottoman authorities, who made the
ultimate decision to confirm the existing holder or assign the tax farm to
another holder, often another Shihab emir or a member of the rival Alam ad-Din (علم
الدين) clan.
The Qaysi
Druze were motivated in their decision to appoint the Shihabs
with the fact that the Wadi al-Taym-based
Shihabs were not involved in the intertribal
machinations of the Chouf, their military strength
and their marital kinship with the Maan.
Other clans, including
the Druze Jumblatts and the Maronite Khazens were subsidiary tax farmers, known as muqata'jis, who paid the Ottoman government via the Shihabs. A branch of the Shihab family continued to rule Wadi al-Taym, while the Shihab branch of Mount Lebanon was based in Deir al-Qamar.
The Shihab emir was also formally at the military service of the Ottoman
authorities and required to mobilize forces upon request. The Shihabs'
new status made them the preeminent social, fiscal, military, judicial and
political power in Mount Lebanon.
In 1698, Emir Bashir
gave protection to the Hamade (حمادة)
sheikhs when they were sought out by the authorities and successfully mediated
between the two sides. He also captured the rebel Mushrif
ibn Ali al-Saghir, sheikh of the Shia Muslim Wa'il clan of Bishara in Jabal Amil, and delivered him and
his partisans to the governor of Sidon, who requested Emir Bashir's assistance
in the matter. As a result, Emir Bashir was officially endowed with responsibility
for "safekeeping of Sidon Province" between the region of Safad to Keserwan. At the turn of
the 18th century, the new governor of Sidon, Arslan Mehmed Pasha (أرسلان
محمد باشا), continued the good
relationship with Emir Bashir, who by then had appointed a fellow Sunni Muslim Qaysi, Umar al-Zaydani, as the
subsidiary tax farmer of Safad. He also secured the
allegiance of the Shia Muslim Munkir and Sa'ab clans to the Qaysi faction.
Emir Bashir was poisoned
and died in 1705. The Maronite Patriarch and historian, Istifan
al-Duwayhi, asserts Emir Haydar, who had since
reached adulthood, was responsible for Emir Bashir's death.
Les
neuf ans du règne de Bachir 1 (1697-1706) se déroulèrent sous le signe du
réalisme, de la sagesse et de la fermeté. Il sut éviter tout conflit avec la
porte ou ses représentants à Saida, Tripoli ou Damas, tout en mettant à profit
leurs rivalités et en veillant jalousement à la préservation de l’Imara libanaise.
Bachir
1 garda Deir Al-Kamar comme capitale. Sa traversée,
de Wadi al-Taym au Chouf,
pour en prendre possession, fut l’occasion d’enthousiastes manifestations. A
noter cependant que la Yamaniyya se tint dans une
attitude boudeuse et ne cessa de guetter l’occasion pour passer à l’opposition
ouverte, voire à l’agitation violente.
Des
1668, le nouveau prince devait marcher contre les Chiites (Metoualis)
du Sud-Liban. Les considérant responsables des troubles qui infestaient leur
région, il poussa jusqu’à Tyr et Safad et, une fois
l’ordre rétabli, il confia l’administration de ces territoires a un chef de
tribu Kaysiste sunnite.
A
l’inverse, nous le voyons peu après intercédèrent faveur des Metoualis du « pays de Jbeil »
(Byblos) et de celui de Batroun et les ramener dans l’obéissance au Sultan. Par
contre, il semble avoir eu des demeles avec les
Maronites, les acculant à demander l’intervention de Louis XIV auprès du
Sultan. La raison n’en est pas très claire. Peut-être réside-t-elle dans le
fait que les chefs de cette communauté avaient apporté, en 1667, un soutien
trop voyant à la candidature de Haydar.
Hormis
quelques conflits, parfois il est vrai armés, le règne de Bachir 1 se déroula
dans le calme. Il mourut en 1709, peut-être empoisonné par les partisans de
Haydar impatients de voir celui-ci prendre les rênes du pouvoir. Toujours
est-il que, peu après, par « calcul dynastique », Haydar fera mettre
à mort l’émir d’Ahmad, neveu de Bachir. Désormais, tous les Chehab
qui se succéderont au trope appartiendront à la lignée de Haydar.