Mount Lebanon Demography in the 18th and 19th centuries

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Le mont Liban du 18eme et 19eme siècles consistaient de districts ou vivaient (2) des villageois fermiers et métayers et (2) des collecteurs d’impôts qui accumulaient des richesses et poursuivaient l’acquisitions de privilèges féodaux (titres de Cheichs et richesses).

Aujourd’hui, si ces titres existent encore, c’est dans les esprits de leurs rares porteurs. Ils ne leur procurent aucun privilège, mais servent les prétentions que se font d’eux-mêmes les hommes qui recherchent leurs mérites dans les richesses de leurs ancêtres. Au sommet de la hiérarchie sociale, décrite en 1833 par Nassif Yazigi, vient l’émir suprême, un Chéhab. Le suivent graduellement : les émirs ; les cheikhs pourvus d’un fief héréditaire et appelés par l’émir suprême «Mon cher frère» ; les cheikhs gratifiés de l’appellation «Mon cher frère», mais non dotés de fiefs ; les cheikhs féodaux non gratifiés de la susdite appellation ; les autres cheikhs. Tous ces titres sont héréditaires au profit de la descendance mâle et sans aucun droit ni privilège d’aînesse.

Figure 1: Référence : Chevalier, la société du Mont-Liban à l’époque de la révolution industrielle en Europe

 

Mouqataa

Famille(s) notable(s) locale(s) (religion)

Communauté(s) présente(s) par ordre d'importance

Pachalik de Tripoli

1) Zawiya, Ehden

Cheikhs Daher (Maronites)

Maronites

2) Koura

Cheikhs Azar (Orthodoxes)

Grecs-orthodoxes, maronites

3) Qouwayta

Cheikhs Abi Saad (Maronites)

Grecs-orthodoxes, maronites

4) Jibba Bcharre

Sous contrôle direct de l'église maronites

Maronites

5) Bilad Batroun

Maronites, Grecs-orthodoxes, Grecs-catholiques, Sunnites

6) Bilad Jbeil

Maronites, Grecs-catholiques

7) Jobba Al Mounaytra

Maronites, Chiites

8) Ftouh

Cheikhs Dahdad

Maronites

Pachalik de Sidon

9) Keserwan

Cheikhs Khazen Montagnes (maronites) et Cheikhs Houbaiche a Ghazir et Jounieh (maronites)

Maronites, Grecs-catholiques

10) Qata

Emirs Abillama (maronites d'origines druzes)

Mtein, Baskinta, Salima

Maronites, Grecs-catholiques

11) Metn

Maronites, Druzes, Grecs-orthodoxes

12) Chouf Al Biyadi

Grecs-catholiques, Maronites, Sunnites, Grecs-orthodoxes

13) Sahel

Emirs Chehab (maronites et sunnites)

Maronites, Grecs-catholiques, Grecs-orthodoxes, Sunnites,

14) Gharb inferieur

Cheikhs Arslan (druzes) - Choueifat

Druzes, Grecs-orthodoxes, Maronite

15) Gharb superieur

Cheikhs Talhouk (druzes) - Nahmeh

 Maronite, Grecs-orthodoxes, Druzes

16) Jurd

Cheikhs Abdel-Malak (druzes) – Aley, Souk Al Gharb

Maronites, Druzes, Grecs-orthodoxes, Grecs-catholiques

17) Chahar

Cheikhs Abou-Nakad (druzes)

Maronites, Druzes, Grecs-orthodoxes

18) Manassif

Druzes, Maronites, Grecs-catholiques

19) Arkoub

Cheikhs Imad (druzes), Barouk

Druzes, Maronites

20) Chouf

Cheikhs Joumblatt (druzes)

Druzes, Maronites, Grecs-catholiques

21) Iqlim Al Kharroub

Sunnites, Maronites, Grecs-catholiques

21) Iqlim Jezzine

Maronites, Grecs-catholiques, Chiites

23) Iqlim Al Touffah

Grecs-catholiques, Maronites

24) Jabal Al Rihan

Chiites

 

La bataille de Ain Dara : Le départ d’un nouveau système politique et social

La bataille décisive de Ain Dara se rapporte à un événement qui, indépendamment de son importance intrinsèque, constitue la fin d’une époque, la conclusion incontestable d’un effort ou d’une lutte, le point de départ d’une nouvelle situation, bref, un événement sans lequel on ne s’expliquerait pas le développement historique d’un pays. La bataille de Aïn Dara, dans le Chouf, qui eut lieu le 20 mars 1710, est une date décisive dans l’histoire moderne du Liban, car elle a mis fin à une période de luttes et d’incertitudes et est le point de départ d’un nouveau régime politique et d’une stabilité relative mais certaine. L’événement a donné à l’entité libanaise une assise solide, qui restera valable durant plus d’un siècle et demi. La bataille de Aïn Dara a opposé l’émir Haïdar Chéhab et ses partisans, les cheikhs libanais du Chouf, à Mahmoud pacha Abou Harmoush, allié aux émirs Alameddine et aux pachas ottomans de Damas et de Saïda. Par sa mère, Haïdar Chéhab était le petit-neveu de Fakhreddine II et le petit-fils et héritier du dernier Ma’an, l’émir Ahmad. Son père, Moussa Chéhab, avait combattu aux côtés de Fakhreddine à la fameuse bataille de Anjar (1623). En 1697, à l’extinction de la dynastie des Ma’an (Fakhreddine II est mort en exil à Constantinople, en 1635), l’assemblée de Somqanié choisit un Chéhab, l’émir Béchir Ier, pour succéder aux Ma’an. La Sublime porte use alors de son droit d’investiture pour s’opposer à ce choix et exiger la dévolution du pouvoir à l’émir Haïdar, ce dernier étant par sa mère l’ultime héritier des Ma’an. L’assemblée accepte cet arbitrage mais conserve à Béchir Ier le titre de régent jusqu’à la majorité de Haïdar, âgé de neuf ans. L’émir Haïdar bénéficie donc d’une légitimité nationale et est le continuateur de Fakhreddine et de ses successeurs. De par sa famille, il se trouve être également kaïssite, tout comme les Ma’an et leurs devanciers et alliés les Tannoukh. Depuis la fin du VIIIe siècle, les Arabes se partagent en deux factions ennemies : les kaïssites et les yéménites. À ce dernier groupe appartiennent les émirs Alameddine et Mahmoud pacha Abou Harmoush, ennemis jurés des Tannoukh et des Ma’an, qu’ils ont pris l’habitude de combattre en s’alliant aux agents de l’empire ottoman. À la chute de Fakhreddine II, l’émir Ali Alameddine fait assassiner les sept derniers Tannoukh (cousins et alliés de Fakhreddine), exterminant de la sorte la famille qui avait gouverné Beyrouth et ses alentours durant trois siècles et avait préparé la voie au regroupement des diverses régions du Liban. En 1638, l’émir Melhem Ma’an, parvenu à reprendre le gouvernail du Chouf et du Liban central, veut régler le sort d’Ali Alameddine, qui doit alors se réfugier à Damas. De 1638 à 1653, ce dernier organise de nombreuses razzias à partir de Damas contre diverses localités du Liban, notamment Machghara, dans la Békaa, et la région du Ftouh, au nord du Kesrouan. Il meurt subitement en 1660, alors qu’il se préparait à partir en campagne contre les émirs du Liban, soutenu par le pacha de Damas. En 1664, ses fils, soutenus par Damas, entrent en guerre contre le Liban. Les Ottomans et les Alameddine parviennent aux portes de Beyrouth mais sont finalement repoussés (bataille du Ghalghoul, 1667). Vaincu, Coberli pacha rentre à Damas avec le fils d’Ali Alameddine. En 1693, Moussa Alameddine essaie une autre attaque contre les Ma’an, mais rentre encore une fois bredouille à Damas. Pourquoi la guerre ? Pour lutter contre l’émir Haïdar, successeur et continuateur des Tannoukh et de Fakhreddine, les Alameddine vont cette fois soutenir Mahmoud Abou Harmoush. Originaire du Liban, ce dernier a été de 1706 à 1709 l’agent de Haïdar dans le Bled-Béchara (Liban-Sud). Invité à rendre compte à son mandant, il préfère chercher refuge auprès du wali de Saïda, Béchir pacha, qui lui obtient ce qu’aucun Libanais n’obtiendra ni ne sollicitera avant 1880 : le titre de pacha et l’investiture sur les régions qui avaient constitué jusqu’alors le domaine exclusif des Ma’an et des Chéhab. C’est là une tentative claire et avouée d’en finir avec le régime spécial dont jouit le Liban par rapport à la Sublime porte. Toutes ces circonstances réunies vont rendre décisive la confrontation qui se prépare entre les deux camps. La bataille de Aïn Dara En février 1710, menacé par les armées ottomanes qui ont pénétré dans le Chouf, l’émir Haïdar évacue sa capitale Deir el-Qamar et se retire à Ghazir, dans le Kesrouan. Abou Harmoush l’y poursuit, l’obligeant à se replier jusqu’au Hermel. Selon un chroniqueur de l’époque, Abou Harmoush, «sachant que les notables de la montagne libanaise ne le suivraient pas, envoya chercher de Damas les émirs Alameddine. Sept de ces émirs qui avaient fui le Liban et s’étaient installés dans la Ghouta vinrent à son aide avec neuf cents hommes du parti yéménite». Informé de ces circonstances, l’émir Haïdar sort du Hermel aux premiers jours de 1710 et s’avance jusqu’à Ras el-Metn à la tête de ses hommes, poussant vers Deir el-Qamar. Le pacha de Damas prend position à Méghithé, près de Hammana, et le pacha de Saïda à Beit-Méry, tandis qu’Abou Harmoush s’arrête à Aïn Dara (Chouf) dans l’attente de l’émir Haïdar. Les trois pachas croient pouvoir ainsi encercler ce dernier et l’empêcher, une fois battu, de s’échapper à Aïn Dara. Mais l’émir libanais arrive de nuit en face d’Abou Harmoush et l’attaque avant l’aube. Une lutte corps à corps s’ensuit, qui dure toute la matinée et s’oriente, à partir de midi, vers la défaite de plus en plus nette des yéménites de Damas et de leurs alliés. Abou Harmoush et quatre Alameddine périssent dans la bataille, trois autres émirs sont pris et pendus sur-le-champ. En apprenant la défaite de leur allié, les deux autres pachas se retirent en hâte. Haïdar rentre triomphalement à Deir el-Qamar et procède à la réorganisation politique et administrative du pays. Il anoblit certains de ses lieutenants et épure la montagne des yéménites et de leurs partisans. Une nouvelle organisation administrative En liquidant les Alameddine, Haïdar peut totalement réorganiser ses États. Il procède à une nouvelle répartition des fiefs : il adjuge le Chouf aux cheikhs Joumblatt, Ahmad, Abdel-Malek, Talhouk et Abi Nakad, tous druzes et kaïssites, partage le Metn entre les Chéhab et les Abillama, deux familles respectivement sunnite et druze qui vont se convertir peu à peu au maronistisme, et laissa le Kesrouan aux Khazen, également maronites, et une parcelle du Chouf aux émirs Arslan, druzes d’origine yéménite. Le Chouf, le Metn et le Kesrouan constituent, dans la terminologie de l’époque, la maamalat (ou province) du Sud. La maamalat du Nord comprend la partie du Liban située au nord d’une ligne de démarcation qui part du village de Maameltein, sur la côte, et aboutit à la limite orientale du pays. Cette province avait été soustraite à l’autorité des émirs du Liban par suite de l’extinction des Ma’an et dépendait depuis lors de divers féodaux plus ou moins autonomes. La dispute entre yéménites et kaïssites qui avait trouvé son épilogue à Aïn Dara va provoquer indirectement la réunification des deux maamalats. Les puissants Hamadé, chiites yéménites, s’entretuent en effet depuis le début du XVIIIe siècle pour la possession et l’exploitation du Ftouh et de la région de Jbeil, lorsque Mansour Youssef Dahdah (dont la famille, kaïssite, avait dû abandonner Akoura sous la pression des yéménites) et un notable du Nord, Siman el-Bitar, entrent en contact avec Mansour Chéhab, émir du Liban. Ils suggèrent à ce dernier, qui connaît des difficultés avec son neveu l’émir Youssef, d’éloigner celui-ci en lui obtenant l’investiture sur la maamalat du Nord. Le projet est aussitôt mis à exécution. En prenant possession de la maamalat du Nord (1763), l’émir Youssef adjuge les villes de Ghazir et de Jbeil et les régions du Ftouh et de Zaouié à des cheikhs maronites, et laisse le Koura aux al-Azar, des grecs-orthodoxes. Il récompense enfin les services de son ministre et mentor, le cheikh Saad el-Khoury, en lui concédant ainsi qu’à sa famille le fief de Rachmaya et ses environs, dans le Chouf (1774). L’ensemble de cette réorganisation consécutive à la bataille de Aïn Dara modifie profondément la structure du Liban. En effet, la féodalité qui domine depuis les croisades se caractérise par la plus complète anarchie. Les fiefs reviennent au plus fort, un certain nombre de familles puissantes se disputant les territoires par tous les moyens, et seul Fakhreddine II était parvenu, pour un temps seulement, à soumettre ses turbulents vassaux à un certain ordre. Mais Haïdar hiérarchise et discipline la féodalité libanaise jusqu’à en faire un simple appareil administratif fortement dominé par l’autorité centrale. Désormais, nul ne peut plus exercer un pouvoir féodal sans en être explicitement chargé par l’émir suprême. Celui-ci s’accorde même le pouvoir d’intervenir directement pour suspendre, plus ou moins provisoirement, certains féodaux. Béchir II en usera contre les Abi Nakad, les Joumblatt, les Khazen et les Hobeiche.