Mount Lebanon Demography in the 18th
and 19th centuries
Le mont Liban du 18eme
et 19eme siècles consistaient de districts ou vivaient (2) des villageois
fermiers et métayers et (2) des collecteurs d’impôts qui accumulaient des
richesses et poursuivaient l’acquisitions de privilèges féodaux (titres de
Cheichs et richesses).
Aujourd’hui, si
ces titres existent encore, c’est dans les esprits de leurs rares porteurs. Ils
ne leur procurent aucun privilège, mais servent les prétentions que se font
d’eux-mêmes les hommes qui recherchent leurs mérites dans les richesses de
leurs ancêtres. Au sommet de la hiérarchie sociale, décrite en 1833 par Nassif
Yazigi, vient l’émir suprême, un Chéhab. Le suivent graduellement : les émirs ;
les cheikhs pourvus d’un fief héréditaire et appelés par l’émir suprême «Mon
cher frère» ; les cheikhs gratifiés de l’appellation «Mon cher frère», mais non
dotés de fiefs ; les cheikhs féodaux non gratifiés de la susdite appellation ;
les autres cheikhs. Tous ces titres sont héréditaires au profit de la
descendance mâle et sans aucun droit ni privilège d’aînesse.
Figure 1: Référence : Chevalier, la société du
Mont-Liban à l’époque de la révolution industrielle en Europe |
|
La bataille
décisive de Ain Dara se rapporte à un événement qui, indépendamment de son
importance intrinsèque, constitue la fin d’une époque, la conclusion
incontestable d’un effort ou d’une lutte, le point de départ d’une nouvelle
situation, bref, un événement sans lequel on ne s’expliquerait pas le
développement historique d’un pays. La bataille de Aïn Dara, dans le Chouf, qui
eut lieu le 20 mars 1710, est une date décisive dans l’histoire moderne du
Liban, car elle a mis fin à une période de luttes et d’incertitudes et est le
point de départ d’un nouveau régime politique et d’une stabilité relative mais
certaine. L’événement a donné à l’entité libanaise une assise solide, qui
restera valable durant plus d’un siècle et demi. La bataille de Aïn Dara a
opposé l’émir Haïdar Chéhab et ses partisans, les cheikhs libanais du Chouf, à
Mahmoud pacha Abou Harmoush, allié aux émirs Alameddine et aux pachas ottomans
de Damas et de Saïda. Par sa mère, Haïdar Chéhab était le petit-neveu de
Fakhreddine II et le petit-fils et héritier du dernier Ma’an, l’émir Ahmad. Son
père, Moussa Chéhab, avait combattu aux côtés de Fakhreddine à la fameuse
bataille de Anjar (1623). En 1697, à l’extinction de la dynastie des Ma’an
(Fakhreddine II est mort en exil à Constantinople, en 1635), l’assemblée de
Somqanié choisit un Chéhab, l’émir Béchir Ier, pour succéder aux Ma’an. La Sublime
porte use alors de son droit d’investiture pour s’opposer à ce choix et exiger
la dévolution du pouvoir à l’émir Haïdar, ce dernier étant par sa mère l’ultime
héritier des Ma’an. L’assemblée accepte cet arbitrage mais conserve à Béchir
Ier le titre de régent jusqu’à la majorité de Haïdar, âgé de neuf ans. L’émir
Haïdar bénéficie donc d’une légitimité nationale et est le continuateur de
Fakhreddine et de ses successeurs. De par sa famille, il se trouve être
également kaïssite, tout comme les Ma’an et leurs devanciers et alliés les
Tannoukh. Depuis la fin du VIIIe siècle, les Arabes se partagent en deux
factions ennemies : les kaïssites et les yéménites. À ce dernier groupe
appartiennent les émirs Alameddine et Mahmoud pacha Abou Harmoush, ennemis
jurés des Tannoukh et des Ma’an, qu’ils ont pris l’habitude de combattre en
s’alliant aux agents de l’empire ottoman. À la chute de Fakhreddine II, l’émir
Ali Alameddine fait assassiner les sept derniers Tannoukh (cousins et alliés de
Fakhreddine), exterminant de la sorte la famille qui avait gouverné Beyrouth et
ses alentours durant trois siècles et avait préparé la voie au regroupement des
diverses régions du Liban. En 1638, l’émir Melhem Ma’an, parvenu à reprendre le
gouvernail du Chouf et du Liban central, veut régler le sort d’Ali Alameddine,
qui doit alors se réfugier à Damas. De 1638 à 1653, ce dernier organise de
nombreuses razzias à partir de Damas contre diverses localités du Liban,
notamment Machghara, dans la Békaa, et la région du Ftouh, au nord du Kesrouan.
Il meurt subitement en 1660, alors qu’il se préparait à partir en campagne
contre les émirs du Liban, soutenu par le pacha de Damas. En 1664, ses fils,
soutenus par Damas, entrent en guerre contre le Liban. Les Ottomans et les
Alameddine parviennent aux portes de Beyrouth mais sont finalement repoussés
(bataille du Ghalghoul, 1667). Vaincu, Coberli pacha rentre à Damas avec le
fils d’Ali Alameddine. En 1693, Moussa Alameddine essaie une autre attaque
contre les Ma’an, mais rentre encore une fois bredouille à Damas. Pourquoi la
guerre ? Pour lutter contre l’émir Haïdar, successeur et continuateur des
Tannoukh et de Fakhreddine, les Alameddine vont cette fois soutenir Mahmoud
Abou Harmoush. Originaire du Liban, ce dernier a été de 1706 à 1709 l’agent de Haïdar
dans le Bled-Béchara (Liban-Sud). Invité à rendre compte à son mandant, il
préfère chercher refuge auprès du wali de Saïda, Béchir pacha, qui lui obtient
ce qu’aucun Libanais n’obtiendra ni ne sollicitera avant 1880 : le titre de
pacha et l’investiture sur les régions qui avaient constitué jusqu’alors le
domaine exclusif des Ma’an et des Chéhab. C’est là une tentative claire et
avouée d’en finir avec le régime spécial dont jouit le Liban par rapport à la
Sublime porte. Toutes ces circonstances réunies vont rendre décisive la
confrontation qui se prépare entre les deux camps. La bataille de Aïn Dara En
février 1710, menacé par les armées ottomanes qui ont pénétré dans le Chouf,
l’émir Haïdar évacue sa capitale Deir el-Qamar et se retire à Ghazir, dans le
Kesrouan. Abou Harmoush l’y poursuit, l’obligeant à se replier jusqu’au Hermel.
Selon un chroniqueur de l’époque, Abou Harmoush, «sachant que les notables de
la montagne libanaise ne le suivraient pas, envoya chercher de Damas les émirs
Alameddine. Sept de ces émirs qui avaient fui le Liban et s’étaient installés
dans la Ghouta vinrent à son aide avec neuf cents hommes du parti yéménite».
Informé de ces circonstances, l’émir Haïdar sort du Hermel aux premiers jours
de 1710 et s’avance jusqu’à Ras el-Metn à la tête de ses hommes, poussant vers
Deir el-Qamar. Le pacha de Damas prend position à Méghithé, près de Hammana, et
le pacha de Saïda à Beit-Méry, tandis qu’Abou Harmoush s’arrête à Aïn Dara
(Chouf) dans l’attente de l’émir Haïdar. Les trois pachas croient pouvoir ainsi
encercler ce dernier et l’empêcher, une fois battu, de s’échapper à Aïn Dara.
Mais l’émir libanais arrive de nuit en face d’Abou Harmoush et l’attaque avant
l’aube. Une lutte corps à corps s’ensuit, qui dure toute la matinée et s’oriente,
à partir de midi, vers la défaite de plus en plus nette des yéménites de Damas
et de leurs alliés. Abou Harmoush et quatre Alameddine périssent dans la
bataille, trois autres émirs sont pris et pendus sur-le-champ. En apprenant la
défaite de leur allié, les deux autres pachas se retirent en hâte. Haïdar
rentre triomphalement à Deir el-Qamar et procède à la réorganisation politique
et administrative du pays. Il anoblit certains de ses lieutenants et épure la
montagne des yéménites et de leurs partisans. Une nouvelle organisation
administrative En liquidant les Alameddine, Haïdar peut totalement réorganiser
ses États. Il procède à une nouvelle répartition des fiefs : il adjuge le Chouf
aux cheikhs Joumblatt, Ahmad, Abdel-Malek, Talhouk et Abi Nakad, tous druzes et
kaïssites, partage le Metn entre les Chéhab et les Abillama, deux familles
respectivement sunnite et druze qui vont se convertir peu à peu au
maronistisme, et laissa le Kesrouan aux Khazen, également maronites, et une
parcelle du Chouf aux émirs Arslan, druzes d’origine yéménite. Le Chouf, le
Metn et le Kesrouan constituent, dans la terminologie de l’époque, la maamalat
(ou province) du Sud. La maamalat du Nord comprend la partie du Liban située au
nord d’une ligne de démarcation qui part du village de Maameltein, sur la côte,
et aboutit à la limite orientale du pays. Cette province avait été soustraite à
l’autorité des émirs du Liban par suite de l’extinction des Ma’an et dépendait
depuis lors de divers féodaux plus ou moins autonomes. La dispute entre
yéménites et kaïssites qui avait trouvé son épilogue à Aïn Dara va provoquer
indirectement la réunification des deux maamalats. Les puissants Hamadé,
chiites yéménites, s’entretuent en effet depuis le début du XVIIIe siècle pour
la possession et l’exploitation du Ftouh et de la région de Jbeil, lorsque
Mansour Youssef Dahdah (dont la famille, kaïssite, avait dû abandonner Akoura
sous la pression des yéménites) et un notable du Nord, Siman el-Bitar, entrent
en contact avec Mansour Chéhab, émir du Liban. Ils suggèrent à ce dernier, qui
connaît des difficultés avec son neveu l’émir Youssef, d’éloigner celui-ci en
lui obtenant l’investiture sur la maamalat du Nord. Le projet est aussitôt mis
à exécution. En prenant possession de la maamalat du Nord (1763), l’émir
Youssef adjuge les villes de Ghazir et de Jbeil et les régions du Ftouh et de
Zaouié à des cheikhs maronites, et laisse le Koura aux al-Azar, des
grecs-orthodoxes. Il récompense enfin les services de son ministre et mentor,
le cheikh Saad el-Khoury, en lui concédant ainsi qu’à sa famille le fief de
Rachmaya et ses environs, dans le Chouf (1774). L’ensemble de cette
réorganisation consécutive à la bataille de Aïn Dara modifie profondément la
structure du Liban. En effet, la féodalité qui domine depuis les croisades se
caractérise par la plus complète anarchie. Les fiefs reviennent au plus fort,
un certain nombre de familles puissantes se disputant les territoires par tous
les moyens, et seul Fakhreddine II était parvenu, pour un temps seulement, à
soumettre ses turbulents vassaux à un certain ordre. Mais Haïdar hiérarchise et
discipline la féodalité libanaise jusqu’à en faire un simple appareil
administratif fortement dominé par l’autorité centrale. Désormais, nul ne peut
plus exercer un pouvoir féodal sans en être explicitement chargé par l’émir
suprême. Celui-ci s’accorde même le pouvoir d’intervenir directement pour
suspendre, plus ou moins provisoirement, certains féodaux. Béchir II en usera
contre les Abi Nakad, les Joumblatt, les Khazen et les Hobeiche.